Lorsque vous interagissez avec ChatGPT, vous avez peut-être pris l’habitude d’utiliser un bonjour ou un merci presque machinalement. Pourtant, cette petite courtoisie n’est pas sans conséquence. Chaque mot d’intention poli impose aux serveurs de l’IA un traitement supplémentaire, ce qui se traduit par une dépense énergétique non négligeable. En 2024, Sam Altman, PDG d’OpenAI, évoquait sur le réseau social X des coûts se chiffrant en « dizaines de millions de dollars » par an, rien que pour alimenter ce surcroît de traitement (Future/TechRadar). Un chiffre impressionnant, surtout si l’on considère l’empreinte écologique liée à ces fermes de serveurs.
En pratique, une enquête du groupe Future, éditeur de TechRadar, révèle que près de deux tiers des personnes aux États-Unis emploient systématiquement la politesse lorsqu’elles s’adressent à une IA. Pour 55 % des répondants, c’est « une habitude », tandis qu’environ 12 % considèrent cette courtoisie comme une garantie pour les jours où « les robots pourraient se rebeller ». Les autres utilisateurs se montrent moins effusifs : 20 % par souci de rapidité et 13 % simplement parce qu’ils voient ChatGPT comme « une machine » sans raison d’y apporter de la chaleur humaine.
Selon le New York Times, cette dépense pourrait toutefois se justifier « sur le plan culturel » : d’après Neil Johnson, professeur de physique à l’université George Washington, la façon de dialoguer avec ChatGPT influence notre comportement social. Être poli avec l’IA nous encouragerait à garder cette courtoisie dans nos échanges quotidiens avec autrui.
ChatGPT n’est pas votre thérapeute
Certaines personnes entretiennent une relation presque intime avec l’IA, allant jusqu’à lui confier leurs doutes ou leur mal-être psychologique. Pourtant, ChatGPT n’a pas été formé pour remplacer un professionnel de santé mentale. Comme le rappelle The Independent, si ses réponses peuvent sembler empreintes d’empathie, elles demeurent superficielles dès qu’il s’agit de situations de crise. Une étude du Georgia Institute of Technology a même mis en évidence que, lorsqu’on soumet ChatGPT à des récits traumatiques, ses réponses perdent en cohérence – elles deviennent plus génériques, voire confuses. L’IA se retrouve « débordée » techniquement lorsqu’il s’agit de traiter des émotions complexes. OpenAI précise dans l’un de ses rapports que ChatGPT peut servir d’outil conversationnel pour certaines personnes, mais qu’il « ne remplace en aucun cas un thérapeute ». Il est essentiel de ne pas confondre accompagnement psychologique et simple interaction automatisée.
Sur Parcoursup
Lilian (17 ans), élève en terminale au lycée Janson-de-Sailly à Paris, a suivi le conseil de sa mère : « J’ai coché tout ce que j’ai pu ». Il a donc multiplié les candidatures aux écoles de commerce postbac, aux formations universitaires en management et même aux classes préparatoires aux grandes écoles, dans la limite permise par la plateforme Parcoursup. Pour ses lettres de motivation, le jeune homme reconnaît sans détour qu’il a abondamment utilisé des outils d’intelligence artificielle, comme le font près de 80 % des 16-25 ans (enquête Diplomeo, 2024).
Pourtant, la majorité de ces courriers ne franchissent pas le seuil de la sélection. « La plupart ne passent pas le test de Turing », s’amuse Quentin Leroux, professeur de management et président de l’Association de promotion des classes préparatoires technologiques. À ses yeux, les lettres produites par l’IA manquent cruellement d’âme : elles sont désincarnées, leurs arguments tombent à plat et le niveau de vocabulaire n’est pas à la hauteur de celui des candidats. Aline Mousset, professeure d’économie-gestion à Niort, confirme qu’elle reçoit souvent des courriers identiques débutant par un fier : « Niort, ville moyenne et dynamique où il fait bon vivre… » Des formulations si stéréotypées qu’elles trahissent immédiatement l’usage d’une génération automatique.
Denis Choimet, professeur de mathématiques et président de l’Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques, relativise : « Qu’importe si c’est une IA ou papa-maman qui écrit, on ne passe pas des heures à se poser la question. » En fait, ce qui intéresse vraiment les examinateurs, c’est le dossier académique et les avis des enseignants du secondaire. Mais à diplôme égal, une lettre simple, authentique et bien tournée peut faire la différence et déplacer quelques places dans le classement final.
« Que le candidat fasse sobre »
Les élèves et leurs parents s’imaginent souvent qu’une lettre de motivation doit briller par sa perfection formelle ; ils sont, selon M. Choimet, « totalement en décalage » avec ce que cherchent les jurys. Les examinateurs préfèrent une lettre qui ne soit pas exempte de légers défauts, mais qui reflète un parcours personnel clair : stage déterminant, rencontre marquante, adhésion à un club de mathématiques ou participation au concours général… Mme Mousset ajoute qu’il est crucial de montrer qu’on s’est renseigné sur la filière : immersion, journées portes ouvertes, échanges avec d’anciens élèves, etc.
En somme, le mot d’ordre est la personnalisation. « Il suffit que le candidat fasse sobre », insiste M. Choimet, sans fioritures inutiles.
Sans grande surprise, si l’on demande à ChatGPT s’il est pertinent d’avoir recours à une IA pour rédiger sa lettre, il répondra que oui ! À condition de « rester acteur dans la rédaction » et de voir l’outil comme un simple assistant, laissant au candidat le soin d’y apporter sa touche personnelle.