Corriger une pile de copies à la main, c’est un peu le passage obligé de tout enseignant. Mais avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans les salles de classe, cette routine est en train de changer. Gain de temps, évaluation plus régulière, feedback détaillé… L’IA pourrait bien transformer en profondeur le rôle du correcteur.
L’intelligence artificielle s’invite (discrètement) dans les salles de classe
Officiellement, l’Éducation nationale a tranché : pas d’intelligence artificielle pour corriger les copies du bac 2025. Les épreuves seront notées « de manière traditionnelle ». Pourtant, dans l’ombre, plusieurs start-up EdTech se positionnent déjà sur ce créneau très convoité. Ed-AI, Examino, Gingo ou encore PyxiScience proposent toutes des outils capables d’automatiser la correction des devoirs – au moins en partie.
Le principe est simple : on scanne la copie avec un système de reconnaissance optique de caractères (OCR), puis on alimente l’IA avec le barème ou les consignes attendues. En théorie, il ne reste plus qu’à attendre que la machine fasse le travail.
Moins de temps passé, plus d’équité ?
Dimitri Nicolas, jeune ingénieur à l’origine de la plateforme Examino, résume l’ambition : « 30 secondes pour une copie, six heures gagnées par semaine ». Sa solution couvre déjà une quarantaine de matières, et plusieurs centaines de professeurs y ont adhéré. L’IA, selon lui, excelle dans les productions écrites : histoire, philosophie, lettres. Moins en mathématiques, où le raisonnement logique et les méthodes intermédiaires restent difficiles à cerner pour une machine.
Mais l’IA a un avantage non négligeable : elle ne fatigue pas. Elle corrige la première et la dernière copie avec la même rigueur, sans influence émotionnelle ou lassitude. En théorie, elle offre donc une évaluation plus neutre et constante, ce qui n’est pas sans intérêt dans des examens à fort enjeu.
Une correction, oui. Mais pas sans surveillance humaine
Malgré tout, la machine ne remplacera pas le professeur. La réglementation européenne sur l’intelligence artificielle est claire : une IA ne peut décider seule de l’attribution d’un diplôme. L’humain doit garder la main.
Et ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Car corriger, c’est aussi un moment de rencontre pédagogique. Thibaud Hayette, professeur de lettres à Lyon, le rappelle : « C’est en lisant leurs copies qu’on apprend à mieux connaître nos élèves ». Il a lui-même testé la version gratuite de ChatGPT pour corriger des copies de brevet. Verdict ? L’IA est rapide, mais aussi plus sévère. Là où un professeur valorise un style ou un effort, l’IA reste figée sur des critères stricts.
Un outil puissant… à condition de le maîtriser
Pour être efficace, l’IA doit aussi pouvoir lire correctement la copie. Et c’est là que le bât blesse. La conversion des copies manuscrites en texte numérique est encore imparfaite. Dans certains cas, seuls 60 à 85 % des caractères sont correctement reconnus. Loïc Plé, directeur à l’Iéseg, confirme : « On perd plus de temps à corriger les erreurs de transcription qu’à noter soi-même ».
Malgré cela, il reconnaît l’intérêt du feedback automatique. Pour des documents longs comme les rapports de stage, l’IA pourrait devenir un assistant précieux, capable d’identifier les points faibles, de proposer des pistes d’amélioration et de donner une vue d’ensemble très précise.
L’exemple des maths : un potentiel révolutionnaire
Dans les matières scientifiques, certaines plateformes comme PyxiScience franchissent un cap. Avec un taux de reconnaissance de 95 % pour l’écriture mathématique (symboles compris), cette start-up permet aux enseignants de corriger huit fois plus vite. L’idée n’est pas simplement de gagner du temps, mais d’en faire gagner aux élèves.
En France, un étudiant en licence de maths a rarement plus d’un devoir par semestre. Aux États-Unis, c’est souvent un par semaine. Grâce à l’IA, ces fréquences peuvent être revues à la hausse, rendant l’évaluation plus régulière et plus formative.
Encore plus prometteur : l’IA de PyxiScience est capable d’analyser les erreurs conceptuelles, de les regrouper, et de proposer des parcours d’apprentissage personnalisés avec exercices ciblés. Déjà déployée auprès de milliers d’étudiants à Sorbonne Paris Nord, la plateforme arrive dans plusieurs lycées franciliens à la rentrée 2025.
Une révolution pédagogique… encadrée
L’IA dans l’éducation n’est pas une mode, mais un outil puissant. Bien utilisé, il peut alléger la charge des enseignants, offrir des corrections plus justes, générer des commentaires détaillés, et permettre un suivi plus fin des élèves.
Mais il ne remplacera pas le rôle de l’enseignant. Car l’éducation, c’est aussi une relation humaine, un jugement nuancé, une sensibilité. L’intelligence artificielle, elle, ne corrige pas la fatigue d’un élève qui s’accroche, ni l’intuition d’un prof qui comprend ce qu’aucun algorithme ne captera jamais.