Licenciement causé par l'IA

L’intelligence artificielle peut-elle vraiment justifier un licenciement ?

L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde du travail suscite des interrogations sur ses implications, notamment en matière de licenciement. Alors que de grandes entreprises telles que Microsoft ou Onclusive ont récemment évoqué l’IA comme justification pour des suppressions de postes, une question persiste : peut-on réellement licencier un salarié au nom de la technologie ? Voici un tour d’horizon des règles encadrant ces décisions et des risques associés pour les employeurs.

L’introduction de l’IA et l’évolution du marché du travail

Avec l’avancée technologique rapide, l’IA devient un élément incontournable dans plusieurs secteurs. Ainsi, des entreprises américaines comme Microsoft, IBM, ou Meta ont annoncé la suppression de milliers de postes, expliquant que les technologies d’intelligence artificielle et d’automatisation devaient prendre le relais de certaines tâches humaines. Mais cette tendance ne se limite pas aux États-Unis, et des entreprises françaises commencent aussi à intégrer l’IA dans leurs processus, avec des conséquences pour l’emploi.

Des licenciements liés à l’IA en France

En septembre 2024, le plan de sauvegarde de l’emploi d’Onclusive a marqué le premier cas médiatisé de licenciement directement imputable à l’IA en France. L’entreprise, spécialisée dans la veille médiatique, a annoncé la suppression de 217 postes, soit plus de la moitié de ses effectifs, en justifiant la décision par l’apport de l’IA dans les processus de travail, mais aussi par la nécessité de moderniser des systèmes obsolètes. Quelques mois plus tard, un autre cas similaire a été révélé : un projet de plan social chez un acteur du secteur des médias, où des correcteurs seraient remplacés par des outils d’IA. Ces exemples soulignent que l’IA peut être perçue à la fois comme un moteur d’efficacité et un facteur d’élimination de postes.

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Le cadre juridique des licenciements économiques

Les suppressions d’emplois liées à l’IA s’inscrivent dans un cadre juridique strict. Selon Me Claire Dufils, avocate spécialisée en droit du travail, pour qu’un licenciement soit jugé légal dans ce contexte, l’employeur doit invoquer un motif économique. Deux raisons principales peuvent être retenues :

  1. Les mutations technologiques : L’introduction d’une nouvelle technologie, comme l’IA, qui rend certaines tâches obsolètes.
  2. La réorganisation de l’entreprise : Un besoin de restructuration pour maintenir la compétitivité, ce qui inclut l’automatisation via l’IA.

La mutation technologique : un défi à prouver

Lors d’une situation comme celle d’Onclusive, la direction a d’abord évoqué une mutation technologique comme justification. Mais après discussions avec l’administration, l’argument a été reformulé en une réorganisation nécessaire pour rester compétitive sur le marché. Cette évolution montre que prouver une mutation technologique directement liée à l’IA peut être complexe, car l’employeur doit démontrer de manière concrète que l’IA remplace effectivement les tâches humaines.

Les obligations de l’employeur en cas de licenciement pour motif économique

Lorsqu’un licenciement pour motif économique est envisagé, l’employeur doit suivre une procédure bien définie. Selon le nombre de postes supprimés et la taille de l’entreprise, les étapes varient :

  • Moins de 10 salariés concernés : Convocation à un entretien préalable, notification à l’administration, consultation du CSE (Comité Social et Économique).
  • Plus de 10 salariés : En plus des étapes précédentes, l’employeur doit mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans les entreprises de plus de 50 salariés.

L’employeur est également tenu de démontrer qu’il a tenté de reclasser les salariés concernés avant d’envisager leur licenciement. Cela implique une démarche proactive pour adapter les salariés aux évolutions technologiques, notamment l’introduction de l’IA.

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Risques de contentieux liés à l’introduction de l’IA

Les suppressions de postes motivées par l’IA génèrent des contentieux croissants. L’un des principaux risques est que les salariés contestent les motifs économiques invoqués par leur employeur. Un exemple de jurisprudence récente a illustré ce point : un salarié protégé, membre du CSE, a été licencié pour des raisons de compétitivité liées à l’IA, mais la cour administrative a donné raison à l’entreprise, estimant que la technologie permettait d’automatiser des processus et que les autres entreprises du secteur avaient déjà effectué des réorganisations similaires.

Une autre source de contentieux pourrait résider dans la modification du contrat de travail. Si un salarié voit son rôle changé de manière significative en raison de l’introduction de l’IA, il peut contester cette modification, surtout si elle touche des éléments essentiels de son contrat. Un accord préalable du salarié est souvent requis dans de telles situations.

L’impact sur le bien-être des salariés

L’introduction de l’IA dans les entreprises peut aussi avoir un effet négatif sur la santé mentale des salariés. Le stress lié à la crainte de perdre son emploi ou de voir son travail remplacé par une machine est réel. Selon Me Dufils, les employeurs doivent être vigilants quant aux risques psychosociaux associés à cette transition technologique et s’assurer de la formation continue de leurs équipes pour mieux gérer ces évolutions.

Comment limiter les risques de contentieux ?

Pour éviter des conflits juridiques, il est crucial pour les entreprises de communiquer clairement et de manière transparente avec leurs équipes. La formation à l’IA et l’accompagnement psychologique des salariés sont essentiels pour garantir une transition harmonieuse. Il est également important que l’employeur consulte régulièrement ses instances représentatives du personnel pour discuter des changements en cours et éviter de faire face à des problèmes sociaux.

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En somme, si l’introduction de l’IA peut justifier certains licenciements, elle doit être accompagnée d’une réflexion approfondie sur la manière de gérer l’impact humain. La transparence, la formation, et le respect des obligations légales sont les clés pour minimiser les risques juridiques et préserver le bien-être des salariés.

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